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Lettre ouverte - Free Tours

Lettre ouverte transmise à :

  • Monsieur le Président de la République, Emmanuel MACRON ;
  • Monsieur le Premier ministre, Jean CASTEX ;
  • Monsieur le Ministre de l'Économie et des finances, Bruno LE MAIRE ;
  • Madame la Ministre de la Culture, Madame Roselyne BACHELOT

Objet : situation critique des guides-conférenciers

 

Je suis guide-conférencier diplômé d’État, j’ai 26 ans, et cela fait trois ans que j’exerce le métier qui me passionne et pour lequel je me suis préparé. 

 

Après avoir validé trois ans d’études supérieures, dont une année en licence professionnelle de guide-conférencier à l’Université de Strasbourg, j’ai pu obtenir ma carte professionnelle de guide-conférencier. 

 

J’étais conscient, et aujourd’hui plus que jamais, que le métier de guide demandait, en plus des techniques de guidage et autres compétences propres au métier, des grandes connaissances historiques, patrimoniales, architecturales, culturelles, gastronomiques et linguistiques, pour ainsi pouvoir partager avec les visiteurs une image réelle de l’endroit dans lequel ils se trouvent. 

 

Mon éthique ne me permet pas de donner de fausses informations à mes visiteurs, qui paient un service et méritent donc une prestation de qualité. Malheureusement, certains amateurs sans préparation n’ont pas la même éthique que moi et le font en toute impunité, car notre métier est de plus en plus dérèglementé et menacé de disparition. 

 

À présent, je suis à la tête de l’Association des Guides-conférenciers d’Alsace, une organisation qui vise à défendre et protéger le métier pour lequel nous, les guides agréés, nous sommes formés face à ceux qui s’improvisent « guide » après avoir lu un article sur Internet.

 

En tant que représentant de l’association, je m’adresse à vous pour essayer d’inverser la situation et assurer un avenir pour les nombreux guides agréés qui hésitent à changer de métier face à l’impossibilité d’en vivre, et surtout après la crise sanitaire que nous sommes en train de subir. 

 

Nous, guides-conférenciers agréés, exerçons une profession règlementée, nous sommes à jour du paiement de nos impôts, de nos cotisations sociales, nous payons des assurances de responsabilité civile pour la sécurité de nos clients. Nous tous, nous contribuons au bien-être de la société. Nous sommes les ambassadeurs de la ville ou de la région où nous avons choisi de nous installer, passionnés par nos terroirs, traditions et cultures, et nous essayons de partager et transmettre cette passion à nos visiteurs venant du monde entier. 

 

Face à nous, les pseudo-guides qui décident de changer de métier du jour au lendemain, et qui travaillent pour les agences de voyages et croisiéristes, ou qui s’installent jour après jour sur nos plus importantes places pour piéger les visiteurs grâce à leur publicité mensongère qui annonce un « Free Tour » (comprendre, visite libre ou visite gratuite). 

 

Du fait qu’ils n’ont aucune préparation préalable pour ce métier, très souvent vu comme un « job d’été » ou un « passe-temps », les informations qu’ils fournissent ne sont pas tout à fait correctes : saviez-vous que Louis Vuitton était le descendant de Louis XIV ? Ou encore, que la cathédrale de Strasbourg n’a qu’une seule flèche pour indiquer l’entrée aux visiteurs ?

 

Est-ce ce type d’acteurs du tourisme, de la culture et du patrimoine que nous voulons pour nos visiteurs ? Allez-vous continuer à permettre que des visiteurs venus d’un autre continent rentrent chez eux en pensant que la Tour Eiffel a été érigée par Napoléon Bonaparte ? 

 

En plus de divulguer des fausses informations, ces pseudo-guides exercent notre métier de manière déloyale, car ils le font soi-disant pour la passion, et s’autodénominent parfois « bénévoles ». Ils sont rémunérés au chapeau, ce qui est interdit en France, et qu'il ne peut s'agir d'une activité bénévole lorsque celle-ci est exercée quotidiennement et permet à l'individu de gagner sa vie. 

Pour s’assurer une rémunération en fin de visite, ils interrompent le service, annoncé initialement comme « Libre » ou « Gratuit », afin de tenir un discours cherchant à culpabiliser les visiteurs qui auraient prévu de ne pas laisser de pourboire à la fin. Ces pourboires forcés, dépassant souvent le tarif d’une visite guidée ordinaire, ne sont soumis à aucun contrôle de la part du fisc, ce qui s’apparente à de la fraude fiscale. 

 

D’ailleurs, puisqu’ils se croient « libres » de déclarer ou non leurs pourboires, ils peuvent faire en sorte de rester en-dessous du seuil de pauvreté pour avoir accès à des aides sociales, dont ils n’en auraient réellement pas besoin. 

 

Imaginez-vous un monde où tous les guides auraient décidé de travailler au noir. Pourquoi les guides officiels devraient-ils déclarer 100 % de leurs recettes, quand d'autres peuvent décider de ne déclarer qu'une partie, ou rien du tout ? Que fait l'État pour limiter ce fléau d'amateurisme, de concurrence déloyale et de travail au noir ?

 

Aux faits décrits plus haut, s’ajoute également le non-respect des gestes barrières ni du port du masque ni de la limitation de participants (art. 3 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020) de la part de ces amateurs qui enfreignent la loi en vigueur jour après jour. 

 

Actuellement, nous pouvons nous réjouir de percevoir le Fonds de solidarité grâce aux récentes mesures prises par votre gouvernement. Cependant, il serait tout aussi appréciable que nous puissions exercer notre profession de manière viable, sans la présence de cette concurrence déloyale qui récupère la majorité des visiteurs grâce à l'argument de la « gratuité ». 

 

Monsieur Ivan CECILIA DE LA TORRE

Président de l'Association des Guides-conférenciers d'Alsace

Réponse de la Présidence de la République